Merci Le Parisien !
(Billet initialement publié 27 février 2008)
Alors là c’est du grand art ! S’il nous manquait un événement pour éloigner encore les lecteurs des journaux, Le Parisien s’est chargé de nous l’apporter sur un plateau. Pour ceux qui ont manqué l’épisode, apprenez que le quotidien populaire de Paris, après s’être gavé d’une vidéo amateur prenant Sarkozy en flagrant délit d’incontinence verbale, lui a offert ses colonnes, pour s’expliquer, publiées mardi.
Dans ces trois pages, le chef de l’Etat répond aux questions de huit « lecteurs » du Parisien sur de nombreux sujets qui tournent autour de l’Elysée en ce moment mais elles sont titrées par une citation : « Au salon, j’aurais mieux fait de ne pas lui répondre », qui laisse entendre que les regrets du chef de l’Etat pour ses bons mots formaient l’information la plus importante issue de cette entrevue.
Tout ça n’est pas encore choquant, juste pénible, mais attendez la suite car la France a appris mardi matin qu’en fait, le président de la République n’avait jamais prononcé ces mots mis en exergue. Ils ont été rajoutés par l’Elysée, juste avant le bouclage, selon l’aveu du directeur-adjoint de la rédaction du Parisien, Dominique de Montvallon. Tout le monde comprend alors que les entretiens et les entrevues du Parisien sont relues et amendées par les intéressés, sans que le journal ne prenne la peine d’en informer ses lecteurs.
Mais tout ça n’est pas encore déprimant, juste choquant, lisez la suite. Dominique de Montvallon, dans un geste désespéré pour sauver ce qui lui reste de crédibilité, annonce qu’il publiera dès le lendemain (mercredi) la version non-amendée de l’interview, la vraie interview, pas celle des clients comme dirait Goscinny. On ne peut qu’imaginer les ravages qu’ont produit de telles annonces dans l’esprit des gens : Le Parisien a été contraint de s’expliquer car l’interview a été réalisée par huit « lecteurs ». Si, comme d’habitude, il s’était agi de journalistes, personne n’aurait jamais rien su des manipulations à rebours de la communication de l’Elysée. Enfoirés de journalistes.
Merci Le Parisien, pour ce bel exemple de journalisme.