Affaire Colombe : pour une fois, la digue a tenu
L’extrême-droite a de nouveau instrumentalisé une personne qui s’est exprimée dans les médias. En l’occurence, Colombe, 60 ans, conseillère en insertion professionnelle au chômage, lorsqu’elle était à un meeting du Rassemblement national à Perpignan (voir sur le Tik Tok de TF1).
Cette dame détaille ses difficultés, sa vie au RSA et mentionne qu’elle aide les autres en étant bénévole aux Restos du cœur. Une mention qui a fait tiquer la direction nationale de l’association caritative fondée par Coluche. Dans leur communiqué, les Restos ne précisent pas ce qu’ils ont dit à Colombe, mais elle s’est sentie poussée à démissionner, ce qui a permis à l’extrême-droite politique et médiatique d’enclencher la mécanique victimaire : cette personne qui coche toutes les cases émotionnelles, les Restos pouvaient-ils la punir encore plus ?
Eh ben moi je serais tout à fait d’accord avec des Restos du cœur qui excluraient leurs membres s’ils affichaient leur sympathie pour le Rassemblement national. Pourquoi ?
Parce qu’on assiste à une légitimation de l’extrême-droite en France, peu à peu son discours se banalise, ses idées deviennent légitimes, et que partout depuis 4–5 ans je dirais, chacun peut y aller de son petit commentaire raciste sur les réseaux sociaux, de sa petite saillie haineuse contre les roms, les arabes, les musulmans… et tout ça sans honte, sans conséquence. Sur CNews, tous les jours arabes et précaires en prennent pour leur grade. Le président fait des interviews à Valeurs actuelles. Des députés RN deviennent vice-président de l’Assemblée nationale…
Donc les Restos ont eu raison de rappeler que chez eux, il n’y a pas de place pour les idées d’extrême-droite. Il l’ont fait à minima, sur le mode “pas de politique” mais ils auraient dû le faire comme les syndicats, confrontés avant les Restos à l’entrisme fasciste : ils ont rappelés aux syndiqués qui se retrouvaient sur des listes FN / RN que les deux n’étaient pas compatibles. Qu’on ne peut pas se déclarer solidaire en militant pour un parti qui divise et qui promeut la haine de l’autre, et qui se montre violent dès qu’il en a l’occasion. Récemment l’Unsa, pas le plus gauchiste des syndicats, a dû aussi rappeler les règles républicaines quand son syndicat policier s’est retrouvé à tenir des propos fascistes sur les banlieues.
Donc oui Colombe, c’est pas sa faute. Mais il faut relever les digues. Partout et à chaque occasion, il faut rappeler que le vote d’extrême-droite n’est pas acceptable. Voter RN, ce n’est pas juste une protestation. C’est permettre que des populistes s’insèrent dans les rouages du pouvoir afin de brider la liberté d’expression, mettre la justice aux ordres, faire taire les médias, ostraciser tous les représentants des oppositions, mettre en place des politiques anti-sociales et tout ceci au bénéfice d’une caste (dont Colombe, rappelons le, ne fait pas partie). Ce ne sont pas des délires de gauchiste : l’extrême droite au pouvoir en Hongrie a mis le programme ci-dessus en place… et Victor Orban n’a plus d’opposition en capacité de s’exprimer. En Pologne, même chose et il aura fallu la force d’un millionnaire pour permettre une alternance bien compromise par les voies démocratiques. En Russie, le pouvoir fasciste a forcé tous les opposants à s’exiler et tue ceux qui ont eu le courage de rester. Voter pour l’extrême-droite, ce n’est pas un combat politique, c’est agir pour la suppression des libertés individuelles.
Ne soyons pas naïfs. L’extrême-droite n’a rien à faire de Colombe. Si elle devait arriver au pouvoir, les chômeurs et les personnes au RSA en seraient les premières victimes. Ne tombons pas dans les pièges du RN et sachons dénoncer les discours populistes d’où qu’ils viennent, même lorsqu’ils ont fonctionné sur des personnes en détresse, et donc faciles à manipuler.